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Sabrina Lomel - Psychologue Clinicienne

Psychothérapeute - Hypnothérapeute - Consultation souffrance au travail

Ces mères qui reviennent de loin

Jan 2003

Être femme, être enceinte, être mère.

Trois états qui marquent l’évolution d’une vie.

 

La société nous renvoie une image de la maternité tellement idéalisée qu’elle peut en devenir tyrannique. Or, on est bien loin du long fleuve tranquille et de l’état de béatitude sans vagues qu’on attend. La maternité ressemblerait d’avantage à une odyssée interne. Les femmes partent en croisade pour conquérir leur maternité, un périple qui les entraînera au plus profond de leur être, de leur histoire d’où elles ramèneront leur enfant. – La question de l’identité – L’identité n’est pas une donnée immuable, on pourrait dire qu’elle évolue, qu’elle se modifie en fonction de notre histoire et par-là même, nous individualise comme un Soi semblable à aucun autre. De ce constat, nous pouvons dire qu’on ne naît pas mère mais qu’on le devient. Mais, pour autant, on ne se réveille pas forcément mère au matin de l’accouchement même si c’est à partir de l’arrivée au monde de son enfant que la société vous considère comme telle. Pendant neuf mois, la future maman va faire naître un enfant. Autant qu’il se construit biologiquement dans son ventre, il prend forme en pensées. Pour cela, la future mère va fabriquer des points d’ancrage dans son histoire à chaque fois que l’idée de l’enfant va être évoquée. C’est-à-dire qu’elle va progressivement inclure cet enfant a sa vie. Mais cet enfant qu’elle imagine, qui commence à prendre forme préexistait déjà avant qu’elle ne le mette en scène. Les prémices de cette maternité se situent bien au-delà de ce temps de remaniements, dans l’histoire de la fillette qu’elle a été. Ce bébé qu’elle imagine est, pour simplifier, un condensé de ses propres liens affectifs avec ses parents. Aussi va-t-elle fantasmer, imaginer non pas seulement un enfant mais aussi un mode de relation avec lui, tout ceci sur un mode idéalisé. Ainsi petit à petit, elle tisse la trame de son identité de mère, le nid psychique qui va accueillir l’enfant. Lorsque l’idée de ce bébé va être évoquée, elle va, elle-même, se positionner comme mère. Or, ce n’est pas chose facile parce que jusqu’alors La Maternité c’est-à-dire la capacité de materner était réservée à sa mère. Il va donc falloir l’en déposséder. Comment s’approprier cette identité jusque là exclusivité de sa mère sans se placer en rivale par rapport à elle, sans avoir le sentiment de lui  » voler  » quelque chose ?

 

La résolution de ces différents conflits est aléatoire et dépend pour beaucoup des relations mère fille, mais aussi père fille qui ont précédées. C’est donc dans le plus intime secret de son corps mais aussi au creux de son ventre psychique que prend forme cette identité jusque là en latence. On comprend que l’enjeu est de taille, les dispositions pour y arriver, bien complexes et le temps limité car on ne pardonne pas à ces femmes de ne pas endosser l’uniforme de la  » bonne mère  » en temps et en heure. – Être enceinte – C’est d’abord, aux yeux des autres qu’on devient une Femme Enceinte. L’image de soi renvoyé par l’extérieur fait parfois effraction parce, une fois encore, on n’est pas toujours au rendez-vous. En effet, avant que la caractéristique  » femme enceinte  » soit intégrée dans l’image que la femme a d’elle il y a du chemin. Or, il faut assumer très vite cette nouvelle donnée de future maman, que les autres lui renvoient et ce parce que, une fois de plus, il est extrêmement violent pour la société de voir une future mère pas encore très a l’aise, tant avec ce nouveau corps qu’avec ce qu’il signifie. Parce qu’il parle ce corps, qu’elle le veuille ou non ! Il parle d’elle, de sa sexualité, de sa vie future et les choses ne vont pas si vite dans l’appareil psychique, le temps n’est pas le même, elle ne vit plus à la même époque, tout s’entrechoc, le passé des remaniements comme on l’a vu, le présent qui se fait pressant et le futur. Quant enfin elle commence à prendre ses repères avec ce corps, il faut déjà en faire le deuil, se dévêtir de cette identité de femme enceinte pour être mère. Une fois encore les choses ne vont pas de soi. Il y a de multiples raisons à cela qui tiennent à l’histoire de chaque femme. Toutefois, on retrouve assez communément la dimension narcissique.

 

La future mère porte aux regards des autres quelque chose qu’ils n’ont pas, un ventre bien rond qui, nous l’avons vu, raconte quelque chose d’elle autant qu’il la dissimule mais, pendant cette période, elle Est. Elle existe pleinement parce qu’elle est à la fois dedans et dehors. Tout à coup elle prend forme, pour les autres elle est une femme enceinte et peut s’engouffrer dans cette identité d’autant plus que ce qu’elle était avant n’était pas satisfaisant ou pas bien délimité. Je pense notamment à ces femmes qui souffrent de passer inaperçus, de ne pas avoir de consistance de ne pas attirer l’attention des autres. Tout à coup elles sont au centre du monde, elles portent la vie et cette image est largement alimentée par l’entourage, généreux de sollicitudes, de sourires, de regards attendris. Certaines femmes naviguent avec bonheur dans le fantasme en faisant naître cet enfant et sont d’avantage accrochés à leur état de femme enceinte qu’a leur devenir de mère et ce parce que ce ventre attire l’attention et les font exister aux yeux des autres. Elles naissent en même temps qu’elles font naître leur enfant. La réalité est bien loin. Pourtant un jour, elles se retrouvent à la porte de la maternité le ventre en moins, un bébé en plus, un enfant réel et par conséquent différent de celui qu’elles ont attendu, fait exister dans leurs pensées neuf mois durant. Maintenant il faut être mère. Terminé les regards attendris sur leurs corps, terminé le dialogue interne avec ce petit être de tous les possibles, la réalité reprend brusquement ses droits et les flanque à la porte toutes nues, déshabillées de cette identité de femme enceinte.

 

Alors qu’il s’agit d’une naissance il va falloir faire beaucoup de deuils, d’abord celui de ce corps qui a pu, on vient de le voire, amener un bien être et a semblé effacer bien des souffrances mais aussi faire le deuil de l’enfant qu’elles imaginaient, l’enfant psychique forcément différent de ce bébé réel. Le chemin à parcourir pour trouver la mère en elles est encore long. Les remaniements identitaires, ces deuils que l’on a évoqués ne peuvent se faire dans les temps imposés par la réalité des faits, la réalité des autres. La maternité du corps n’est pas forcément parallèle à la  » maternité psychique  » dont parle le docteur Delassus qui elle, prend parfois des chemins sinueux et demande du temps.  » Les femmes font ce qu’elles peuvent pour devenir mère, malgré tout. Elles peuvent difficilement le faire avec le monde qui les entoure, elles doivent souvent le faire à l’écart du monde. Elles traversent alors l’existence pratique comme il en serait d’un miroir infidèle ; elles vont au-delà, partent en voyage et, au bout d’un long périple, reviennent avec l’enfant. « *

* Devenir mère JM DELASSUS, Paris, Dunod 1998. Eme édition, 2001

Article publié sur le site web : www.maman-blues.fr